<Tribune Libre>

On garde ou pas? par Pascal


Quand on est face à une sortie de grange, il y a toujours un moment de flottement.
Le jeu en vaut-il la chandelle? Faut il renoncer, et désosser, ou bien claironner un trop optimiste "encore une de sauvée"?

Pascal nous raconte son dilemme lors de sa dernière sortie de grange, en nous poussant ici dans nos derniers retranchements sur le modèle. Car faut-il vraiment sauver une DS20 confort en bout de course?

Je lui laisse la parole

Dr D.

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Fin août 2021, je suis contacté par un propriétaire, anglais, d’une DS qui croupit depuis une trentaine d’année dans une grange en Gironde. Etant déjà trop pourvu en anciennes généralement en panne et en Citroën particulièrement capricieuses en hydraulique, je suis plus emballé par refiler l’affaire à un pote qu’à essayer de sauver une rogne de plus. Toutefois, je me laisse prendre au jeu et je commence à échanger avec le sympathique propriétaire pour avoir quelques informations supplémentaires.

La grange est vendue, il doit sortir la voiture sous deux semaines. Comme souvent, j’imagine qu’il pense être assis sur un tas d’or. Je lui demande le prix et, à ma grande surprise, il souhaite s’en débarrasser pour une somme modique qu’il reversera à une œuvre caritative. Je lui propose le tarif syndical de toute épave, et la moitié s’il ne retrouve pas la carte grise. Il m’envoie quelques photos prises à la va-vite, photos que je fais passer un Docteur Danche. Le verdict tombe : DS 20 Confort boîte méca de 1969, blanc Albâtre. Deux jours plus tard il m’envoie une copie de la carte grise qui confirme les dires de notre bon vieux Doc.

Partant en congés en Grande-Bretagne, et en ID 63, les deux premières semaines de septembre, je demande un délai supplémentaire et deux rendez-vous sont pris : samedi 18 septembre pour aller voir la bête, étudier les lieux et la préparer pour la sortie de grange, puis le samedi 2 octobre pour la récupérer.

Je dois avouer que je suis sur un nuage. Je suis persuadé d’avoir fait l’affaire du siècle et toutes mes recherches sur ce modèle, l’année, la couleur, la finition, m’amènent à penser que j’ai trouvé la perle rare. Une DS 20 en boîte mécanique, c’est du basique, du sûr, de l’efficace. Une batterie, un peu d’essence, et ça repart …

Je vous raconterais bien mes vacances en ID mais Danche refuse de publier des photos de ma voiture sous prétexte qu’elle a été restaurée, qui plus est dans une teinte non tirée du nuancier, et soi-disant particulièrement vulgaire (blanc carrare, toit gris, jantes blanc carrare). Oui, d’accord, c’est limite, toutefois lorsqu’une paire de gambettes dépasse de la vitre arrière, ce bon vieux docteur me demande des photos supplémentaires afin d’alimenter, soit sa page « danchettes », soit sa collection personnelle de photos censurées.

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Samedi 18 septembre, j’embarque mon fidèle JC dans mon break 64 chargé à bloc. Nous avons la manivelle pour voir si le moteur est, ou pas, bloqué, mais aussi la caisse à outils, un compresseur, un peu de matériel photos, une rallonge, un escabeau (mais pourquoi donc ?) et plein de choses dont nous ne nous servirons pas bien entendu.

La grange est grande, nous pourrons y entrer le plateau. La voiture est sur cales sur un côté, il nous sera impossible de savoir si les freins sont bloqués. Je ne sais pas comment nous nous y sommes pris mais nous n’avons pas réussi à faire entrer la manivelle jusqu’à ce qu’elle soit en prise. Quant à la carrosserie … même si je me refuse à l’admettre, la DS est mûre, très mûre. Enfin, dernière chose, elle n’est pas blanc Albâtre mais gris Kandahar (il est Docteur ès DS Danche, mais pas ophtalmo), ce qui la rend beaucoup moins rare.

Le week-end suivant, en déplacement à Paris, je rencontre le Dieu de la DS, le Docteur Danche himself. Je lui raconte mon histoire, lui montre quelques photos et là … c’est la douche froide. Vu l’état de la voiture, si encore ça avait été une DS 21 67 gris Palladium, je pourrais foncer, mais pour une telle roturière, mieux vaut la laisser dans sa grange, les bulldozers auront raison des chevrons. Au pire, je la sors et la revends en pièces détachées car l’année 69 est bourrée de particularités, donc la vente de certaines pièces peut être intéressante.

Le problème est que l’avis du Docteur est concomitant avec les avis de tous les autres spécialistes de la DS que j’ai pu consulter. Mais … ces mêmes « spécialistes » commencent aussi à me donner la liste des pièces qu’ils voudraient récupérer, à vil prix, sur mon modèle 69.

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Samedi 2 octobre, le rendez-vous est pris avec Fabien de DS Sensation. Il a un porte-véhicules et emmènera la voiture directement à son atelier. J’arrive avec mon JC, nous montons la voiture avec des crics, calons les sphères en position haute, vérifions que la pression des pneus a tenu deux semaines, accrochons le câble et hop, c’est magique, les freins ne sont même pas bloqués !

45 minutes plus tard nous quittons les lieux.

Avant de partir, nous prenons quelques secondes pour l’inspecter à la lumière du jour.

Le positif :

  • L’intérieur est propre
  • Elle est équipée du Radioën Hifi

Le négatif :

  • Elle est mûre de chez mûre
  • Les particularités 69 font exploser le prix des pièces
  • Il manque un panneau intérieur de porte
  • Elle a pris un choc à l’arrière
  • Elle n'a pas les mêmes plaques avant et arrière

Alors … on garde ou pas ?